Les groupes à peau (« Gwoup a po ») : La formule « Groupe à peau » (« Gwoup a po ») apparaît progressivement à la fin des années 1970. Utilisée par le groupe AKIYO pour marquer la différence avec les autres groupes utilisant soit des futs de plastique soit des caisses claires comme instruments percussifs, elle témoigne de la volonté de mettre en œuvre des tambours d’aisselles avec des peaux de cabris. La multiplication des groupes utilisant la même technologie et s’inspirant, pour la plupart, de la musique dite « Mas a Senjan », entrainera une généralisation d’uns distinction entre, d’une part, les « Gwoup a po », d’autre part, les « Groupes à caisses claires ». D’autre part, les « Gwoup a po » vont progressivement générer le développement d’une mystique particulière, de formes de déguisements traduisant la volonté de s’inscrire dans une histoire de la Guadeloupe et de l’appropriation par les esclaves des formes carnavalesques. Les « Gwoup a po » portent une histoire, une organisation, une mystique.
Les groupes de ti mas : Par « Groupe de ti mas » on entend généralement des groupes formés pour l’essentiel de jeunes qui utilisent pour la plupart comme instruments percussifs des steel pan associés à des fûts de plastiques faisant usage de basse, à des caisses claires et à des sifflets. Généralement ces groupes, où les participants sont intégralement masqués et habillés sommairement, utilisent des formules tirées du hip hop, souvent acrobatiques, pour s’exprimer dans les rues. Ils connaissent actuellement un développement significatif, ainsi que des modifications dans leur manière de défiler en faisant une place plus grande à des séquences qui sont de véritables scènes de théâtre de rue. Le terme « Ti Mas » ne doit pas faire illusion : ces groupes sont souvent très fournis et ont donné naissance à de nouvelles formes de participation.
Les groupes à caisses claires : Avec la quasi disparition des défilés derrières les camions avec des orchestres embarqués ou des sonorisations, se sont développés des groupes à pied. Ceux-ci vont, pour l’essentiel, choisir des percussions modernes pour leur rythmique. Les caisses claires seront ainsi les instruments de base, tournant pour la plupart des rythmiques tirées des orchestres de bals de l’époque ainsi que de ma musique brésilienne. Progressivement, l’instrumentation évolue avec, d’une part, l’utilisation de gros fûts de plastique pour assurer les basses, l’utilisation de soufflants (trompettes, trombones) pour lancer les mélodies et les gimmicks, et même, en phase statique, l’utilisation par certains de tambours gwo ka. On est donc en présence d’une musique qui est en pleine évolution et qui est généralement associée à des groupes qui pratiquent des parades, avec des décors souvent importants et une organisation particulière privilégiant la mise en œuvre de véritables chorégraphies. Comme pour les « Gwoup a po », derrière l’uniformité apparente, il y a une grande diversité de pratiques.
Les groupes de synthé : Avec le développement des groupes à pied, une des formules a consisté à faire descendre les orchestres des camions et à faire circuler des petits groupes avec des instruments électriques (synthétiseurs, basse, guitare) à pied derrières des camionnettes. Ces groupes se sont développés principalement à Basse-Terre et à Morne-à-l’Eau, donnant ainsi naissance à une catégorie désigné sous le nom de « groupes de synthé ».
Les masques de Vieux-Fort :Un des plus anciens groupes de Carnaval qui s’est constitué en association au début des années 2000 pour perpétuer et transmettre sa tradition. Il porte le nom de la commune qui l’a vu naître. Les membres du groupe reprennent la démarche des masques à toques. Celle-ci est décorée de plumes et de miroirs avec souvent une queue qui descend le long du dos, à telle enseigne que, dans les années 1950, on les appelait également « mas a miwa » (masques à miroirs). On peut noter cependant que sur ces toques ont disparu les représentations de maisons ou de bateaux que l’on retrouve dans les groupes équivalents de certains pays de la Caraïbe. Les costumes sont de couleurs vives, souvent issues de tissus imprimés madras. Ils couvrent l’essentiel du corps avec des manches généralement bouffantes laissant tout juste apparaître les mains, la plupart du temps recouvertes par un bas. Quant au visage, il est recouvert d’un masque fabriqué avec un tamis, souvent métallique sur lequel est peint grossièrement des yeux une bouche et un nez. Le groupe se déplace en sautillant et en dansant au rythme d’une musique utilisant de flûtes et des fifres, un triangle, et quelques tambours parmi lesquels un tambour basque et deux tambours basse et contrebasse joués avec deux baguettes, avec une rythmique qu’ils sont les seuls à pratiquer à ce jour en Guadeloupe.
Musique Saint-Jean (« Mizik Senjan ») : Formule utilisée pour caractériser les « Gwoup a po » qui prétendent jouer une musique qui trouve son origine dans la musique d’un groupe de Pointe-à-Pitre appelé « Mas a Senjan » du nom d’un de ses dirigeants de l’époque, Victor Emmanuel Bernadin Germain dit Saint-Jean. A l’origine, ce groupe utilisait des tambours d’aisselles de fabrication artisanale avec de la récupération de boites de conserves de différentes tailles, des peaux de cabri sur les deux faces du fût et des lanières de bois tendre pour construire les cercles maintenant les peaux. La musique développée était essentiellement polymétrique, chaque musicien jouant dans l’intervalle de son voisin. Avec l’apparition du groupe AKIYO cette musique a profondément évolué avec l’ajout de tambours basse et de tambours contrebasse. Aujourd’hui on note de nouveau des évolutions notables. La première évolution concerne le remplacement progressif des tambours en tôle par des tambours en bois, ainsi que le développement de tambours solistes. La sonorité des groupes évolue donc largement. Les tournures musicales sont également très différentes, la polymétrie étant largement remplacée par des jeux en section. De plus, on assiste au développement des breaks, principalement lancés par les contrebasses en lieu et place des tambours chants. Sous couvert de tradition, nous sommes en réalité en présence d’un véritable processus de création qui enrichit ce type de musique.
Musique Gwo Siwo : La musique « Gwo Siwo » trouve sa source dans une des formes de carnaval populaire qui s’exprimait à travers des « Mas Gwo Siwo », s’enduisant de sirop de batterie pour défiler dans les rues, utilisant des tambours d’aisselles avec cette particularité que ceux-ci sont presque totalement des tambours gwo ka, portés à mi taille et joués avec les doigts. On y rencontrait généralement des danseurs qui s’exprimaient sur deux bambous placés sur les épaules de deux ou trois participants. Ces groupes défilaient avec une rythmique sensiblement différente de celle des groupes dits « a po » et privilégiaient des déplacements à petits pas. Cette formule a perduré sur la Basse-Terre (Basse-Terre, Capesterre Belle-Eau) et a connu de nouveaux développements sur Pointe-à-Pitre. Le groupe Voukoum de Basse-Terre s’est inspiré de cette musique pour construire son identité musicale.
Déboulé : Formule qui prend naissance à la fin des années 1980 pour indiquer une forme de déplacement dans les rues. Alors qu’à l’origine les groupes qui participaient de la tradition des « Mas » défilaient dans les rues en s’arrêtant quasiment à chaque encoignure pour jouer de véritables pièces musicales et recueillir des pièces lancées par les spectateurs, progressivement, cette démarche qui relevait de véritables théâtres de rue est remplacée par de défilés quasi en continue avec des arrêts pour se restaurer. Dès lors, se construit une opposition entre les groupes, dits de caisses claires, qui pratiquent des parades, et des groupes, dits de « mas », qui déboulent. Ceci n’est pas sans poser des problèmes d’organisation dans le cadre des grands défilés, avec des rythmes de marche différents pour chaque catégorie. Une des conséquence est la division des grands défilés en deux groupes partant à des heures différentes : les groupes de parades qui généralement partent les premiers, et les groupes qui déboulent qui partent généralement en fin de défilé, d’autant plus que sur la région pointoise, les groupes qui sont censés « débouler » partent de plus en plus tard (18h), alors qu’à l’origine les groupes dont ils prétendent reprendre la tradition circulaient depuis le matin. Là encore, la tradition masque une création permanente.
Défilés en communes : Dans la tradition carnavalesque, la période du carnaval est pour l’essentiel une période de bals divers et variés. Deux grands défilés se développent pendant la période des jours gras : les défilés de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre. Il n’empêche qu’il existe des manifestations en commune et en particulier, dans toutes les zones où l’on a assisté au développement des usines centrales en remplacement des habitations sucreries. Avec la mise en place du Groupement pour le développement du carnaval et des fêtes (GDCF), se construit une stratégie de développement du carnaval en commune. La décentralisation intervenant, les communes développent progressivement des services et offices culturels. Le carnaval devient dès lors un enjeu de visibilité et de cohésion pour chaque commune. Les défilés en commune se développent. Compte tenu de la durée du carnaval, plusieurs grands défilés ainsi se dérouler certains dimanches. De même, se multiplient des défilés le vendredi. Plusieurs manifestations dans différentes communes sont ainsi parvenues à s’institutionnaliser et sont aujourd’hui parties prenantes du calendrier carnavalesque.
Les jours gras, les élections : En théorie, les jours gras sont le point culminant du carnaval. Ils débutent le samedi, se développent les dimanche, lundi et mardi gras, pour se conclure avec le mercredi des cendres, annonçant la fin du carnaval et l’entrée en carême. Moments de parades, de vidés et de grands défilés, ils témoignent de la vitalité et de la diversité du carnaval. Ils sont généralement accompagnés d’élections de roi et de reine du carnaval. S’y est associé le carnaval des écoles et le carnaval des enfants. Avec la démultiplication des manifestations et des fédérations carnavalesques, la question s’est posée de l’organisation unitaire des jours gras. A ce jour, les fédérations se sont mises d’accord pour concevoir des manifestations unitaires à cette occasion, avec un défilé à Pointe-à-Pitre le dimanche gras et un défilé à Basse-Terre le mardi gras. De même, la question de l’organisation d’un unique concours de reine et de roi du carnaval reste en suspens.
Le carnaval et les différentes communautés : Dans la tradition carnavalesque, différentes communautés ont participé à la création et à la diversification du carnaval. Les travailleurs saisonniers de l’industrie sucrière ont ainsi contribué au développement des « Mas ». Dans les années 1960, on observe une participation symbolique des Indiens dans les parades et sur les camions. Cette participation disparaîtra sous cette forme avec le développement des associations indiennes qui entreprennent de développer les éléments d’une culture indo guadeloupéenne. La communauté haïtienne prendra sa part dans le carnaval dès les années 1970 avec, entre autres, le groupe LOBODIA. Aujourd’hui, la situation a largement évolué avec une participation d’au moins trois groupes haïtiens entrainant le développement d’une musique particulière avec des raras et des vaccines. Plus récemment, on peut noter une participation organisée de la communauté de République dominicaine. De même, la communauté bretonne prend toute sa place dans les manifestations carnavalesque, tout comme ceux qui s’inspirent de certaines traditions brésiliennes. Le carnaval devient ainsi un moment d’affirmation culturelle et identitaire, en même temps qu’un moment de partage.